La douleur neuropathique cornéenne
Renseignements généraux pour les patients et les prestataires de soins

mars 2023

Définition
La douleur neuropathique cornéenne, nommée également « névralgie cornéenne », correspond par définition à une douleur chronique à l’œil qui dure plus de trois mois et qui ne répond pas aux traitements standards et laquelle est suffisamment intense pour nuire aux activités exercées au quotidien. Ce phénomène s’observe parfois après avoir subi une chirurgie oculaire, y compris une chirurgie cornéenne ou intraoculaire, mais la douleur peut survenir après tout type de traumatisme oculaire.
Encore aujourd’hui, on ne comprend pas très bien la nature de cette affection et il n’y a pas de véritable consensus quant au critère de diagnostic, aux causes, au nombre de cas et au traitement.

Pathophysiologie
La division ophtalmique du nerf trijumeau (V1) contient des nocicepteurs qui répondent à divers stimuli, y compris la force mécanique et la température. Lorsque les nocicepteurs reçoivent un stimulus, une transduction du signal entre en jeu et intervient dans les régions du cortex cérébral associées à la douleur. Certains ont formulé une hypothèse voulant que les dommages répétés à la cornée et la voie neuronale empruntée entraînent un état hyperinflammatoire, lequel mène à une sensibilisation mésadaptée soit en périphérie de la cornée ou en son centre aux jonctions postsynaptiques.
Conséquemment, il peut s’avérer utile d’évaluer et de gérer la douleur neuropathique cornéenne en tant que sensibilisation à la douleur périphérique ou centrale.

Symptômes
Les symptômes comprennent, sans toutefois s’y limiter:

Les symptômes comprennent, sans toutefois s’y limiter :
• Une douleur oculaire chronique et continue;
• Le syndrome de l’œil sec sans manifestation de troubles et qui ne répond pas au traitement habituel;
• Une sensibilité à la lumière, une sensation de brûlure ou de la présence d’un corps étranger dans l’œil;
• La persistance de la gravité des symptômes a poussé des gens au suicide.

Manifestation
• « Douleur sans tache »;
• Kératopathie ponctuée;
• Il est possible qu’il n’y ait aucun signe.

Conditions associées
• Syndrome de sensibilité somatique centrale
• Fibromyalgie
• Maladie auto-immune
• Migraine et mal de tête chroniques
• Douleur postopératoire persistante

Investigations
• La réponse du patient à un anesthésique topique peut s’avérer utile pour déterminer si la douleur neuropathique cornéenne est attribuable à une cause périphérique ou centrale. Une réponse à l’anesthésique local correspondant à une diminution de l’intensité de la douleur oriente le diagnostic vers une étiologie périphérique.

La microscopie confocale in vivo
Dans les cas de douleur neuropathique cornéenne, des rapports font état d’une diminution significative de la densité du plexus nerveux sous-basal par comparaison à des sujets témoins. Parmi les autres caractéristiques observées, il y a notamment des kératocytes activés et des microneuromes latéraux, d’aspect fuselé ou formant une souche. Cependant, la significativité de ces constatations demeure vague étant donné qu’il est possible d’observer des changements similaires suivant des interventions LASIK et PRK de nature simple. Par conséquent, le rôle actuel de la microscopie confocale in vivo chez ces patients est incertain et il reste que son utilisation au Canada est relativement limitée et principalement localisée dans les établissements universitaires.

Objectifs du traitement
• Régénérer les nerfs cornéens et réduire l’inflammation.
• Il est probable que les patients montrant une sensibilisation principalement périphérique présenteront de meilleurs résultats que ceux montrant une sensibilisation centrale.
• Maximiser la gestion du traitement de la surface oculaire comme pour les cas graves d’œil sec.
• Recours fréquent à des larmes artificielles sans agent de conservation, utilisation limitée de stéroïdes topiques, gel ophtalmique à utiliser la nuit, ciclosporine topique.

La plupart des patients auront suivi ce traitement sans succès avant d’être dirigés vers une autre source de traitement.

Autres possibilités de traitement

  • Gouttes de sérum autologue
  • Membrane amniotique
  • Neurostimulation
  • Facteurs de croissance pour la cornée
  • Neuromodulation
  • Lentilles sclérales
  • Traitement systémique à base de gabapentine, de prégabaline, d’amitriptyline et de naltrexone à faible dose.
  • Diriger le patient vers un neuro-ophtalmologiste, un neurologiste ou un spécialiste de la gestion de la douleur. Il existe aussi au Canada des ressources supplémentaires disponibles pour de la consultation et la gestion de la douleur.

Résultats

Les résultats observés chez les patients présentent une forte variabilité; certains patients souffrent d’une incapacité prolongée en raison des symptômes ressentis et alors que d’autres montrent une résorption complète après une année ou deux. Bien que l’information à ce sujet soit anecdotique, il est conseillé de prendre toutes les mesures possibles pour contrôler cette maladie, puisqu’une névralgie cornéenne qui perdure dans le temps a tendance à être associée à l’obtention de moins bons résultats pour ces patients.

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